La crise politique du pool au Congo-Brazzaville: colombianisation à la FARC-EP. (Partie 2)

A travers une analyse des sources disponibles à la Library of Congress et sur bien d’autres sources scientifiques, cet article tente de mieux comprendre les dessous de l’une des crises politico-sécuritaires les plus récurrentes et longues d’Afrique centrale dans un pays qui fut considéré jadis comme l’un des bastions d’une Afrique Subsaharienne intellectuelle et moderne et dont le cœur même « le quartier latin », « l’intellect » du pays se trouve être la Région du Pool : jupitérienne, actrice, et, parfois victime, de tous les combats scientifiques, littéraires, socio-politiques, économiques et surtout démocratiques dans le pays.      


Au lendemain de la convocation du corps électoral national à l’élection présidentielle anticipée du 20 mars 2016 (initialement prévu au mois de juillet 2016) ; consciente de la réalité socio-géopolitique propre à la République du Congo, l’Opposition authentique structurée autour du mouvement politique FROCAD-IDC composante J3M, alignera comme candidats à l’élection présidentielle cinq poids lourds de l’opposition unifiée originaires des 4 points cardinaux et ethniques du pays (Brice Parfais Kolélas – Département du Pool – ; Claudine Munari Mabondzo et Pascal Tsatsy Mabiala  – Niboland – ; André Okombi Salissa – Département des Plateaux – et  Jean Marie Michel Mokoko – Département de la Cuvette – ) face au candidat du parti communiste au pouvoir – le PCT –, le Président de la République sortant le Général des armées Denis Sassou N’Guesso.

Malgré une campagne présidentielle impeccable et en dépit des pressions de tout genre qu’exercera le pouvoir sur l’opposition authentique (intimidations, séquestrations extrajudiciaires, convocations récurrentes de certains candidats de l’opposition à la Direction générale de la sécurité intérieure) ; face pourtant à une mobilisation historique du corps électoral, vivement et visiblement en faveur de l’opposition à travers de nombreux et vastes meeting impressionnants, les résultats officiels publiés tard la nuit vers 3 heure du matin par le régime en place déclareront curieusement le Président de la République sortant, le Général des armées Denis Sassou N’Guesso vainqueur avec plus de 60,19% des voix exprimées, après un blackout total des moyens de communication de bases (internet et communication téléphonique) sur tout le territoire national durant plus d’une semaine.

Ces résultats seront immédiatement rejetés par l’opposition et non reconnus par de nombreux Etats occidentaux (tel que le Canada) qui dénonceront une honteuse « fraude massive » du régime contre le processus démocratique dans le pays.

Dès lors la République du Congo s’embourbera, par la volonté d’un seul homme et de son clan, dans une grande instabilité politique, sécuritaire et socio-économique à la burundaise jusqu’à ce jour.

Toutefois, selon les chiffres recueillis par le FROCAD-IDC composante J3M auprès de ses représentants dans chaque bureau électoral, et en harmonie avec de nombreux observateurs internationaux indépendants, les candidats de l’opposition Brice Parfait Kolélas et Jean Marie Michel Mokoko sont arrivés respectivement en premier et en deuxième position de cette élection, battant largement et de très loin le Président de la république sortant, le Général des armées Denis Sassou N’Guesso.     

Depuis, deux des principaux candidats à l’élection présidentielle ont été incarcérés (Jean Marie Michel Mokoko et Okombi Salissa), accusés « d’atteinte à la sureté de l’état ».  Les autres candidats connaitront quant à eux une restriction profonde et dégressive de leurs droits civiques et civils telles que voyager hors du pays, se porter candidat aux prochaines joutes électorales ou organiser des réunions politiques. Le tout dans un désordre judiciaire total avec une justice aux ordres, profondément déshumanisée et préhistorique, rappelant les années noires du régime dictatorial du Général Gustavo Rojas Pinilla (1953-1957) en Colombie.

Si les populations du Sud Congo, dont en particulier celles des Départements de Brazzaville, de Pointe-Noire et du Pool ont assené un profond déculottage historique au Président de la République sortant, le Général des armées Denis Sassou N’Guesso, avec zéro bulletin de vote ou presque en sa faveur (et en l’occurrence ici dans le Pool, l’un des trois Départements les plus peuplés du pays), selon les résultats authentiques sortis des urnes, plébiscitant ainsi à près de 90% des voix exprimées, dans le Pool, et à plus de 50% et de 40% à Brazzaville et à Pointe-Noire le député, candidat à l’élection présidentielle, et ancien ministre, Brice Parfait Kolélas. Par contre, une immense partie des populations du Sud Congo en général porteront leurs voix sur le candidat Jean Marie Michel Mokoko originaire du Nord Congo (Général des armées et ancien Chef d’état-major des armées, ex-conseiller spécial du Président de la République Denis Sassou N’Guesso, saint-cyrien de formation ayant assumé de nombreuses responsabilités au niveau international : ONU et UA).

Cet état de fait laisse transparaitre par-là dans le pays la profonde maturité démocratique des populations du Sud Congo qui contrairement à celles du nord, ont souvent historiquement fait le choix de l’intellect démocratique contre celle de l’affect ethnocentrique et ce même au péril de leur propre existence, réfutant par-là la honteuse posture du ni, ni, dans laquelle beigne sottement et avec outrecuidance cette partie du pays qui comme le dirait Bernard Blier dans l’éponyme film de Michel Audiard  « Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! » : « J’ai déjà vu des faux-culs mais vous êtes une synthèse ».

Ceci, confirme en outre, l’idée scientifiquement et sociologiquement démontrable selon laquelle : il existe au Congo-Brazzaville une Nation Kongo à part entière et non une nation congolaise. Et ce ne serait pas un dysphémisme de le dire. Par contraire affirmer qu’il existerait une quelconque nation congolaise, serait hyperbolique. Car ceux qui réfutent avec mauvaise foi cette réalité, préfèrent « euphémiser » la vérité sous le prisme d’une pseudo raison ethnocentrique pure totalement démontable voire critiquable.   

Historiquement le peuple du Sud Congo a toujours été en faveur d’une réelle construction d’une nation congolaise à part et entière, mais malheureusement la réalité politique des trente dernières années dans le pays a laissé « KO » sur un tapis imbibée du sang des populations du sud – objet d’un lavage ethnique a huit clos depuis près de quatre décennies –, cette noble idée du vivre ensemble, combattue apprêtement par le sectarisme et le fondamentalisme ethnocentrique dont font montre l’écrasante majorité des congolais originaire de la partie septentrional du pays, le Nord Congo.   

Le syndrome de Fregoli et voire la – septentrionomanie – (entendait par là la lisztomanie) sociétale dont souffre presque sempiternellement la majorité des populations du nord au Congo-Brazzaville vis-à-vis du vivre ensemble prôné par les populations du Sud Congo, trouve indéniablement son explication dans l’un des ouvrages de l’écrivain américain Andrey Andrews, intitulé dans sa version espagnole « ¿Cómo matar a 11 millones de personas ? : Por qué la verdad importa más de lo que crees ? » (Edition Grupo Nelson, 14 Mai 2012,) qui s’inspire de la Shoah (génocide juif) et s’interroge sur les conséquences qui peuvent peser sur l’avenir entier d’un pays et des générations entières de citoyens le choix par les électeurs d’un leader politique insipide à qui l’on confierait les règnes d’un pays : l’absence de lumière en serait la première cause. Car « l’hitlérisation » dans laquelle s’engage le régime de Brazzaville, n’est au fond due qu’au bon vouloir d’une partie de la population congolaise surarmée et honteusement au service d’un des régimes les plus sanguinaires et barbares du XXIème siècle avec à son actif près de 500000 civils assassinés et portés disparus en 40 ans de règnes (1968-1992 et 1997- à nos jours) (et dont la plupart des victimes sont originaires du Sud Congo), dépassant par-là de très loin le nombre de victimes civiles qu’a occasionné le conflit armée le plus long de l’histoire postmoderne récente : le conflit armé colombien (1964-2016) avec près de 200000 victimes en 52 ans.    

Et sur ce, en faisant nôtre, les propos controversés de l’ex Président de la République française Nicolas Sarkozy à Dakar en 2007, tout en assumant le risque intellectuellement que cela peut avoir notamment face à une mauvaise interprétation de nos arguments ; au Congo-Brazzaville il est indéniablement vrai d’affirmer que « le drame [ du pays est que réellement les populations de la partie septentrionale du pays ne sont pas] assez rentré[es] dans l’histoire [démocratique, sociale, économique, politique, historique, scientifique, sociologique et j’en passe], [du pays et peut-être du globe]. [L’homme du nord], qui depuis des millénaires, vit [dans le chauvinisme acerbe s’imaginant dominant à vie un pays pluriethnique] […], ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès. Dans cet univers où la nature commande tout, l’homme échappe à l’angoisse de l’histoire qui tenaille l’homme moderne mais l’homme reste immobile au milieu d’un ordre immuable ou tout semble être écrit d’avance. Jamais l’homme ne s’élance vers l’avenir. Jamais il ne lui vient à l’idée de sortir de la répétition pour s’inventer un destin. »

Et le dire n’a rien d’insultant car la primitivité dans laquelle baigne cette partie du pays nous laisse penser aux populations de l’île de North Sentinel (située dans le golfe du Bengale – océan indien –) qui sont impitoyablement et vraisemblablement éternellement hostile à toute pénétration de la modernité pure et vraie, non conformiste et non ethnocentrique.

En revenant sur les faits ayant conduit à la reprise du conflit armé dans le Pool au Congo-Brazzaville, Il est important de préciser ici que nonobstant la contestation permanente qu’orchestre les populations des quartiers sud de Brazzaville contre la réélection contestée du candidat Denis Sassou N’Guesso, le Département du Pool se trouve dans une situation sécuritaire la plus normale et pacifique jusque-là. Toutefois, cela ne durera pas longtemps puisque le jour de la confirmation officielle des résultats de l’élection présidentielle – le 4 avril 2016 – par une cour constitutionnelle ethniquement en faveur et aux services du régime de Brazzaville, un groupe armé mal organisé tentera de déstabiliser le pays.

Sans aucune enquête préalable le régime en place accusera Frédéric Bintsamou alias Révérend Pasteur Ntumi d’être la tête pensante de ce coup de force (et selon toute vraisemblance objective, le régime en place serait en réalité à l’origine de ce coup de théâtre et ce dans le but de faire avaliser dans la terreur les résultats contestés de l’élection présidentielle). Se sentant menacé, ce dernier se repliera dans son fief, le Département du Pool, où depuis lors il organise une résistance armée face au régime en place. Brazzaville mobilise par contre depuis plus d’un an toute la force publique (Armée, Police et Gendarmerie) en vue de capturer celui qui pendant plus de 9 ans (2007-2016) occupait pourtant les fonctions de Ministre déléguée en charge de la promotion des valeurs de paix et de la réparation des séquelles de guerre.

L’intervention de l’armée dans cette région (le Pool) du pays a conduit les populations de cette région à trouver refuge dans les forêts environnants (avec les risques d’insécurité alimentaire et sanitaire que cela comporte) ; d’autres citoyens ayant trouvé refuge dans d’autres départements limitrophes du Pool.

Historiquement le département du Pool est l’un des rares territoires de la République du Congo à s’opposer frontalement depuis toujours au régime de Denis Sassou N’Guesso.

Bastion de la démocratie dans le pays ; région ayant entrainé tout au long de l’histoire politique du pays la déstabilisation politique de nombreux chefs d’Etats au Congo-Brazzaville par des révolutions populaires (Youlou en 1963 ; Massamba Débat en 1968 ; Denis Sassou Nguesso I entre 1989 et 1992) – dont deux des régimes en place d’alors (Youlou et Massamba débat) étant originaire du Pool – ; le département du Pool considéré comme le fief de l’élite intellectuelle du pays vit depuis plus d’un an reclus dans un total blackout humanitaire, le régime en place refusant catégoriquement aux organisations humanitaires d’avoir accès au département.

Selon d’éminentes responsables politiques et ecclésiastiques du Pool, du pays et internationaux, les forces armées régulières à la solde du Régime en place bombardent sans distinction écoles, centres hospitaliers, villages entiers, forêts, places publiques etc., causant ainsi de nombreux dommages et pertes humaines auprès des populations du Pool. De nombreux ONG internationales et locales (Amnesty international, L’Observatoire Congolais des Droits de l’homme à Brazzaville (OCDH) et le Mouvement citoyen Ras-le bol etc.) rapportent d’autres types d’exaction touchant les populations du Pool et des quartiers sud de Brazzaville (viols, assassinats extra judiciaire pour des prétendues complicités avec les hommes du Pasteur Ntumi désormais dénommé Force armée pour la libération au nom (en sigle FALC).   

Aussi, au vu du droit international humanitaire et du droit international de guerre, le régime actuel, en interdisant tout couloir humanitaire dans le Département du Pool, en bombardant les localités et les lieux habitées par les populations civiles, en assassinant massivement et sous une base ethnique les populations du Sud Congo, est en train de commettre un nouveau génocide à huis clos vis-à-vis des populations du Sud Congo en générale et en particulier de celle du Pool. La chasse ethnique du « Mokongo » est indéniablement un crime contre l’humanité auquel s’associe avec rigueur et barbarie les populations nord du pays méprisante envers d’autres congolais.  

Ce conflit armée qui risque de se généraliser dans tout le Sud du pays peut être légèrement comparé sous certains aspects au conflit armée colombien qui a débuté en 1964 et a pris fin en 2016. En effet, le constat historique que l’on peut mettre en lumière, est le côté un peu guérilla que l’on observe actuellement dans la manière dont les FALC ripostent et attaquent régulièrement les positions des forces armées du Régime de Brazzaville. L’absence d’un ennemi connu mais pas visuel renforce cette comparaison. Si jusqu’à ce jour, la prise d’otages n’est pas le procédé par lequel agissent les FALC contre Brazzaville, préférant neutraliser les hommes armés, de nombreux points peuvent commun laissent penser qu’un mouvement militaire en construction et plus important peut avoir raison sur le Régime de Brazzaville, si jusqu’ici rien n’est fait pour mettre sur la table des négociations l’Opposition authentique au régime, le Pasteur Ntumi et le Gouvernement.

On se dirige au Congo, vers un conflit génocidaire qui risque tôt ou tard d’opposer réellement les congolais entre eux si rien n’est fait jusqu’ici par la communauté internationale afin de trouver une solution pacifique voire géographique à ce conflit. Car, la rancœur et la convoitise est le terreau du crime.

Comme le dit si bien Jacques Chirac, dans « Le temps présidentiel mémoires Tome 2 » : « C’est le devoir des gouvernants de toujours se référer aux leçons de l’Histoire. Les ignorer serait une coupable imprudence, d’autant que cette même Histoire ne cesse de se répéter et semble inlassablement tirer parti de l’inconscience ou de l’amnésie des hommes. À peine croit-on les avoir vaincues ou maîtrisées, les forces destructrices sont de nouveau à l’œuvre, ressurgissant à tel ou tel endroit de la planète avec une virulence intacte et comme décuplée. » « Tout se passe, trop souvent, comme si l’on n’avait rien appris du passé, alors que lui seul peut nous aider à prévenir ce qu’on pense inéluctable et à conjurer ce qu’on croit irréversible. »

Dott. Christopher Jivot Bitouloulou

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