La Crise Politique du Pool au Congo-Brazzaville: Colombianisation à la FARC-EP. (Partie 1)

A travers une analyse des sources disponibles à la Library of Congress et sur bien d’autres sources scientifiques, cet article tente de mieux comprendre les dessous de l’une des crises politico-sécuritaires les plus récurrentes et longues d’Afrique centrale dans un pays qui était considéré jadis comme l’un des plus avancés intellectuellement en Afrique Subsaharienne et dont le cœur même « le quartier latin », « l’intellect » du pays se trouve être la Région du Pool, victime et acteur de tous combats scientifiques, littéraires, socio-politiques, économiques et surtout démocratiques dans le pays.       


Le Pool est l’un des douze départements administratifs de la République du Congo (appelé également Congo-Brazzaville). Situé au cœur de l’Afrique Centrale, plus précisément au sud du golf de guinée et partageant le Bassin du Congo avec ses voisins (Cameroun, Centrafrique, République démocratique du Congo) ; le Congo-Brazzaville joue un important rôle géostratégique dans la stabilité politique de la sous-région et il représenterait un véritable couloir économique pour certains pays enclavés maritimement tels que la République Centrafricaine, le Tchad et même la République démocratique du Congo.

Pour mieux saisir la crise politico-sécuritaire qui secoue actuellement cette partie du continent africain, et avant de faire le parallèle avec la crise politico-sécuritaire qu’a connu le Colombie entre 1964 et 2016, il est important de retracer ici les évènements socio-politiques qui marquèrent profondément le pays il y a plus de 20 ans. 

En effet, au lendemain de la guerre civile qui éclate dans le pays le 5 juin 1997 à quelques semaines de l’élection présidentielle (le Président de la République sortant, le Professeur Pascal Lissouba, arrivé à la fin de son mandat présidentiel, rechignait à convoquer le corps électoral dans les délais prescrits par la loi électorale d’alors) et qui oppose dans un premier temps les forces armées républicaines – gardienne des institutions de la république – à la milice armée – les cobras – du Général des armées Denis Sassou N’Guesso (ancien Président de la République de 1978 à 1992) ; puis dans un deuxième temps la même milice armée à la solde du Général des armées Denis Sassou N’Guesso (originaire du nord et plus spécifiquement du département de la Cuvette), à celle – les ninjas – du Premier ministre d’alors Bernard Kolélas (originaire du sud, département du Pool), et soutenus par d’autres groupes paramilitaires originaires du fief du Président déchu le Professeur Pascal Lissouba (originaire du « Niboland » – acronyme rassemblant les départements sud du pays :  le Niari, la Lékoumou et la Bouenza – et dont les habitants étaient appelés « Nibolek »). Le Général Denis Sassou N’Guesso sortira victorieux de cette guerre civile fratricide après que l’Angola et d’autres pays étrangers soient intervenu militairement, économiquement et politiquement en sa faveur.

Dès fin 1998, le pays connait une stabilité sécuritaire plus ou moins précaire. Toutefois, au lendemain du départ en exil des principaux dignitaires politiques du régime Pascal Lissouba et Bernard Kolélas ; le département du Pool résiste militairement à ce qui reste dans les annales de l’histoire du pays comme un coup d’état anticonstitutionnel du Général Denis Sassou N’Guesso contre les institutions démocratiques de la République. Sous le leadership de Frédéric Bintsamou alias Révérend Pasteur Ntumi (lui aussi originaire du Pool) – auparavant connu dans le pays comme guérisseur de personnes handicapées mentales – qui récupère la milice armée – les ninjas – du Premier ministre sortant Bernard Kolélas, des offensives militaires sont régulièrement organisées par les hommes armés du Pasteur Ntumi, plongeant ainsi la région du Pool dans une longue instabilité sécuritaire.

La milice du Général des armées Denis Sassou N’Guesso, désormais investi dans l’armée régulière nationale, combattra âprement les hommes du Pasteur Ntumi ce qui va conduire à un prolongement de la guerre civile dans le pays jusqu’en 2007 – conflit armée presque entièrement cantonnée dans le Pool –. Face à l’enlisement du conflit qui retardera lourdement le pays sous le plan économique, social et politique durant près de 5 ans (1997-2002), en réalité pendant près de 10 ans (2002-2007), en avril 2007 un accord de paix est finalement signé sous l’égide de la communauté internationale entre les principaux instigateurs du conflit armé (Denis Sassou N’Guesso et Frédérique Missamou alias Pasteur Ntumi). Il est important de rappeler ici que, selon de nombreux chercheurs, l’entrée en guerre du Révérend Pasteur Ntumi contre le Général Denis Sassou N’Guesso en 1998 laisse souvent perplexe quant aux motivations de ce personnage et aux moyens militaires et financiers dont il a pu bénéficier tout au long du conflit (1998-2007). Bien que ce dernier ait souvent évoqué aussi bien le coup de force antidémocratique du Général Denis Sassou N’Guesso contre les institutions démocratiques du pays, que son souci presque indépendantiste de voir émerger une forme d’état autonome du Pool pour ne pas dire un état du Sud Congo, pour justifier son implication militaire dans le pays ; il n’en reste pas moins vrai que dans la pratique, son implication subite dans le conflit laisse de nombreuses zones d’ombres auxquelles il va falloir un jour apporter des réponses, mêmes les plus approximatives soient-elles au nom de tous les victimes de ces longues 10 années de guerres et au nom de la vérité universellement intrinsèque aux droits internationaux.         

Par ailleurs, il avait été rapporté par quelques rescapés et par les parents des victimes, qu’une rafle d’ordre génocidaire avait été orchestrée en 1998 au Beach (Port fluvial) de Brazzaville par la milice armée – les cobras – du Général Denis Sassou N’Guesso contre strictement les réfugiées civils ressortissants du département du Pool qui retournaient paisiblement au pays sous l’égide du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), après s’être réfugiées en République démocratique du Congo (ex République du Zaïre du Président Joseph Mobutu 1965-1997) pendant la guerre civile qui secouait le pays entre juin 1997 et fin 1998.

Entre 2002 et 2015, la République du Congo connait une réelle stabilité politique, sécuritaire et socio-économique. De 2007 à 2012, le Congo-Brazzaville figure même dans le top 10 mondial des pays ayant une forte croissance économique (avec une croissance de près de 7% par an selon le Fonds monétaire international –FMI–). Le pays vit alors ses années de boom économique, et les politiques publiques misent en place par le désormais Président de la République élu Denis Sassou N’Guesso (2002-2009 ; 2009-2016) contribuent en un temps record à la transformation et à la modernisation en profondeur du pays, nonobstant les nombreux cas de corruptions dans lesquels sont régulièrement cités aussi l’ensemble des dignitaires du régime que la famille présidentielle elle-même. Chaque département se voit doter d’infrastructures administratives, hospitalières, routières et ludiques de bases. Malgré les soupçons de fraudes électorales entourant toutes les élections électorales qu’organise le pays depuis 2002, le parti communiste au pouvoir le PCT (Parti congolais du Travail) remporte à chaque fois la majorité des sièges dans les deux chambres du parlement, accordant ainsi au Président de la République la légitimité nécessaire pour gouverner le pays. 

A moins d’un an de la fin de son dernier mandat présidentiel non renouvelable conformément à l’esprit de la constitution de 2002 ; le Président de la République Denis Sassou N’Guesso décide de changer les règles du jeu en modifiant la Loi Fondamentale du pays par référendum en octobre 2015 faisant ainsi ressurgir dans le pays les vielles velléités politico-sécuritaires. Le pays s’engagera alors de nouveau dans un désordre politique, sécuritaire et socio-économique sans précèdent – pourtant prévisibles – depuis la signature des accords de paix en avril 2007 entre Denis Sassou N’Guesso et Frédéric Bintsamou alias Révérend Pasteur Ntumi. Au vu de la forte contestation populaire majoritairement en provenance des populations sud et dont en particulier celles originaires du département du Pool, que le régime en place sanctionnera par des arrestations et des assassinats massifs de civils et de certains leaders politiques, et selon toutes vraisemblances objectives, le référendum constitutionnel ayant avalisé le changement de la Constitution de 2002 n’aurait pas connu plus de 20% de participation du corps électoral (selon les experts internationaux indépendants), remettant ainsi  en question de facto la « légitimité » de la nouvelle Constitution. Toutefois, il sied de rappeler ici que comparativement à d’autres pays (tel que l’Italie), aucune disposition législative ou constitutionnelle (les lois constitutionnelles) en vigueur au Congo-Brazzaville prévoit qu’en cas de forte abstention du corps électoral aux différentes élections électorales, les résultats qui sortiraient des urnes s’en trouveraient automatiquement invalidées. Selon les résultats officiels publiés par le régime en place, le « oui » au changement de la constitution de 2002 l’aurait emporté avec plus de 80% des voix exprimées.

C’est ainsi que fort de la constitution de 2015 que le candidat Président sortant Denis Sassou N’Guesso – et en l’occurrence ici le ministère de l’intérieur et de la décentralisation – convoquera le corps électoral national à l’élection présidentielle anticipée de mars 2016 malgré la réticence de la communauté internationale qui remet en doute le fichier électoral en place. Car selon elle, en harmonie avec l’opposition, le fichier électoral en vigueur ne reflétait par la réalité démographique du pays. Il faut noter que sociologiquement parlant et ce depuis avant et après l’indépendance du pays de la France, aucun parti politique au Congo-Brazzaville ne serait en mesure de remporter en effet dès le premier tour une quelconque élection présidentielle. La Nation congolaise n’existant pas, chaque congolais vote d’abord par appartenance ethnique. (…)

 

Dott. Christopher Jivot Bitouloulou

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