Vers une geopolitique alimentaire en Afrique: un imperatif absolu.

Cet article entend mettre en lumière à travers des exemples précis comment l’aide au développement peut s’avérer soit un bénéfice pour certains pays ou soit un véritable malheur pour d’autres. Aussi, cet article encourage-t-il l’Union africaine à placer aux centres des enjeux régionaux les problèmes de sécurité alimentaire (l’une des causes majeures de mortalité en Afrique) dans une perspective de géopolitique alimentaire continentale.


De nombreux experts internationaux en matière de sécurité alimentaire ont établi que la faim tuait toutes les 4 secondes une personne au monde (cf. ONG Action contre la Faim). Une fois de plus, le continent africain et en particulier l’Afrique subsaharienne occupe malheureusement la première place dans ce drame planétaire.

Et pourtant, jamais auparavant le continent africain n’a fait l’objet d’aussi tant d’attention en matière d’aides multiformes accordées par de nombreux donateurs pour l’aider à endiguer ce phénomène. En cette actuelle phase de globalisation, l’aide au développement a atteint des records avec pas moins de 122 milliards d’euros par an. Et malgré cet accroissement exceptionnel, on peut constater sur le terrain que les résultats attendus sont pour le moins mitigés. Le cas de la Somalie reste en effet un exemple parfait de l’inefficacité de certains programmes en matière d’aide au développement.

Dans une Afrique en retrait en matière de modernisation dans de nombreux secteurs ; les programmes d’aide au développement devraient en premier lieu focaliser l’essentiel de leurs objectifs en finançant des formations continues et professionnantes courtes (des bénéficiaires de l’aide au développement) dans des domaines variés et strictement chevillées au développement, à la modernisation, à la gestion, aux nouvelles technologies de la communication, à la technification du secteur agricole, à l’entreprenariat etc. Car, le manque criant de compétences de certains acteurs locaux le plus souvent chargés de coordonnées ces programmes sont dans la plupart des cas, la cause directe de la mal gestion des fonds alloués. Par exemple, dans le secteur agricole il est souvent fait état d’un éparpillement de fonds dans le financement – sans perspectives réelles –  de petites PME individuelles au lieu de favoriser l’établissement de structures plus vaste et intégrées verticalement. Ce type de structure participative favoriserait dans certains endroits une cohésion, une solidarité entre communautés face aux nombreuses difficultés qui pourraient survenir, on peut citer par exemple : la hausse des prix des intrants, la baisse des prix des produits alimentaires, les problèmes climatiques, les risques financiers, les problèmes de famine etc. Enfin, de telles entreprises en plus de faire face à la concurrence internationale, elles stimuleraient la vraie croissance économique dont a besoin certains pays pauvres d’Afrique.

Par exemple, la Banque Mondiale finance quelques projets agricoles au Congo-Brazzaville et à Madagascar pour ne citer que ces deux pays. On peut constater qu’en république du Congo (Congo-Brazzaville), en 2008, la Banque mondiale a financé pour plus de 42,5 millions de dollars – dont 2,5 millions additionnels accordés en 2015 – (et dont la moitié est pris en charge par le gouvernement congolais sous forme de prêt) un projet de développement agricole dénommé : Projet de développement agricole et de réhabilitation des pistes rurales (PDARP). Brièvement ce programme de développement s’est fixé comme objectif la construction de plus de 221 villages agricoles dans quelques localités du pays. En réalité, ce projet qui est supervisé d’une part par le ministère de l’Agriculture et d’autre part par un représentant de la Banque mondiale peine à produire les effets attendus parce que les bénéficiaires de ces équipements (maison, matériels agricoles etc.) au lieu de participer à la création de coopérative de gestion de leurs productions ; ceux-ci ont préféré mettre en place individuellement des PME qui de nos jours ont tout simplement fait faillite par manque de moyens et surtout de compétences en la matière. En gros, ce projet a plutôt participé indirectement à une redistribution agraire dans le pays qu’à la stimulation et à l’épanouissement économique des principaux bénéficiaires, sans compter les nombreux cas de clientélisme dans lesquels s’emploient insidieusement la classe dirigeante du pays favorisant par là des phénomènes de corruption, de tribalisme dans le choix des bénéficiaires, les prises illégales d’intérêt etc.

Par contre, à Madagascar, avec le soutien de la Banque mondiale ; dans la commune d’Ampasy Nahampoana, un projet agricole dénommé « Fagnina » a vu le jour dès 2012, et sous forme d’intégration verticale, ce projet a favorisé le développement économique de cette localité touchant plus de 2000 ménages, grâce notamment à une méthode d’organisation visant à mettre à disposition des principaux bénéficiaires – intégrés dans la même structure – des matières premières. Puis un appui leur est accordé en matière de commercialisation de leurs productions. La commune, coordonnatrice principale des fonds, fournit les intrants agricoles, la formation technique nécessaire et enfin si besoin la main d’œuvre. Quant aux bénéficiaires, ils assurent le suivi des récoltes et des cultures. Résultats (bénéfices dans la localité) : « 3000 ménages bénéficiaires, 8 écoles publiques primaires, 2 collèges d’enseignement général, 2 bus communaux, 6 ponts, 5 crèches, 31 maîtres d’écoles, 5 techniciens agricoles, 33 bourses scolaires, 11 bornes fontaines. » (Cf. La Banque mondiale en action à Madagascar 2013, p.p 50-52)

Sommes toutes, si l’aide au développement freine dans certains cas le réel développement de certains pays africains, ce n’est pas pour autant qu’il faille mettre fin à cette chaine de solidarité. Car, le véritable problème se situe non pas sur le nombre de fonds alloués, mais sur l’utilisation qui en est faite. Nous suggérons dans cet article que les agences ou les banques de développement favorisent aussi bien le financement des projets viables que la formation continue de tous les partners et les ayants droits associés à chaque projet. Nous formulons en outre le vœu que les promoteurs du développement administrent par eux-mêmes les fonds alloués afin d’endiguer les phénomènes de corruption ou de tribalisme (phénomène sociologique bien réel dans certains pays africains) dans la gestion de ces programmes. Aussi, en vue de placer l’Afrique au centre des enjeux du continent, il est plus que jamais nécessaire que les dirigeants de l’Union africaine axent leur énergie sur la mise en place d’une politique agricole panafricaine dans une perspective géopolitique alimentaire régionale, car l’homme africain demeure malheureusement la première victime des mauvaises politiques alimentaires entreprissent par leurs dirigeants qui focalisent l’essentiel des revenus du pays dans la construction  des infrastructures sans réelle conséquence directes et positives pour les populations.  

 

Dott. Christopher Jivot Bitouloulou

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