Brève autopsie du passé politique en République du Congo. Essai d’analyse sociologique du pouvoir

Cette brève analyse sociologique du pouvoir en République du Congo vise à mettre en relief la problématique du mécanisme d’accession au pouvoir dans un pays dont la colonisation a laissé de nombreux stigmates expliquant quelque part les difficultés démocratiques constatées dans le pays.


   Dans l’imaginaire traditionnel Bantu (Bantou), un chef est un personnage public à la fois conciliant et rassembleur. Ce dernier savait que pour que son autorité (et non son pouvoir, puisqu’il reconnaissait qu’il n’était pas un souverain absolu et au-dessus de tout) soit mieux acceptée par tous, il devait s’armer de circonspection et de magnanimité. Toutefois, il savait aussi qu’en faisant preuve d’impassibilité démesurée, il courrait le risque de voir sa prépotence remise fortement en question, car les sociétés bantus avaient l’avantage d’avoir des populations libres, matures et éclairées. Ainsi, il se devait d’agir avec objectivité, mesure et raison, car comme ses prédécesseurs, il était conscient qu’au fond son pouvoir n’avait de sens que s’il était accepté par tous et surtout par ceux qui se trouvaient directement sous sa responsabilité. Il était enfin conscient que toute tentative de division du peuple mettrait en danger la cohésion et l’unité collective, et par-dessus remettant automatiquement en question la raison d’être de son leadership à la tête de l’intendance.

   C’est pourquoi, n’étaient appelés à exercer la direction des sociétés précoloniales bantus que ceux qui avaient su dompter certains de leurs caractères pernicieux et déviants.

   Tous ceux qui ne remplissaient pas les qualités requises pour accéder à ces fonctions ne le devenaient tout simplement pas, au risque de mettre en péril l’unité et l’intégrité collective, puisque de ces fondements en dépendaient la macrobie, la grandeur et la puissance de ces sociétés.

   Lors de la colonisation française fin 1870 à 1960, la mission civilisatrice française a bouleversé les équilibres et a mis en lambeaux certaines des valeurs Bantus ; les remplaçants par de nombreuses déviances, telles que la soumission injustifiée, l’esclavage et l’autoritarisme outrecuidant encore rejetées dans les sociétés Bantus contemporaines en République du Congo. La Conférence de Berlin (1884-1885) est venue en outre assembler des réalités culturelles africaines distinctes et profondément antagonistes. C’est pourquoi, en prenant le cas du Congo-Brazzaville, fort est de constater qu’en devenant indépendant le 15 août 1960 et voir même avant cela avec la loi-cadre Deferre de 1956 qui instaura un parlementarisme primaire dans les colonies françaises d’Afrique noire telle que le Congo français (devenu République du Congo); la nouvelle élite politique du pays est tout de suite prise au piège à l’intérieur d’un «machin» dit appareil d’État où s’affrontèrent nos pas les idéologies politiques comme en France (ex-puissance protectrice), mais au fond des particules culturelles jamais anéanties par le fait colonial. En réalité, les conceptions du pouvoir étaient diverses.

   Ainsi, pour une certaine classe politique, il était insupportable l’idée démocratique selon laquelle certains élus du peuple pouvaient entreprendre de changer de bord politique de façon autonome sans enfreindre la loi et partant disloquant le gouvernement en place pour rejoindre une nouvelle majorité parlementaire et démocratique appelée à former un nouveau gouvernement comme cela se faisait en métropole ou partout dans tous les régimes parlementaires.

   Cela dit, ces intolérances politiques marqueront l’Acte I du désastre national annoncé et les évènements de 1959 qui s’ensuivent ne furent tout simplement que la résultante d’un fanatisme politique associé à l’inadéquation de certains hommes politiques à la nouvelle culturelle institutionnelle démocratique devant définir le futur jeu, cadre politique dans lequel allait s’embourber le pays. Mais pour cette classe politique rococo ; la démocratie, c’est-à-dire le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple, n’était qu’un palimpseste destiné à l’occident. Faux, archi faux!

   En effet, dans ce Congo naissant, il y avait deux camps en face. D’une part, on avait ceux dont la culture ancestrale et enseignée de génération en génération avait introduite dans la conscience collective des peuples Bantus les règles primaires de tolérance, du vivre ensemble dans la différence culturelle, et dont l’héritage ne fut guère détruit par les longues et dures années de colonisation qui occupa 100% des territoires Bantus, et d’autre part, nous avions ceux dont on ignore encore aujourd’hui la vraie identité culturelle et pour qui la gestion de la collectivité devait obligatoirement se faire au détriment de l’unité et de l’intégrité nationale, et dont les terres furent d’ailleurs inhospitalières aux colons qui les délaissèrent pour en occuper à peine «1,5%» de cette immense autre partie du pays, avec pour conséquence un niveau de retardement intellectuel de ces peuplades freinant toute légitimité nécessaire pour prétendre à présider aux destinées d’un pays en construction. Et pour ces derniers, la conception démocratique du pouvoir relevait (relève encore aujourd’hui) «des calendes grecques napoléonienne» maladroitement «scientifisées» avec un mélange d’emprunts venus d’ailleurs, telles par exemple les idéologies bancales communistes.

   Pour eux, tel un slogan, la démocratie voulait dire, gouverner pour gouverner; sans vision pour l’avenir, en divisant pour mieux régner et ce au péril d’une intégrité territoriale fragile et biscornue héritée du fait colonial et dans laquelle ils ne se reconnaissent pas. En outre, pour eux, en ce qui concerne les autres, majoritaires dans le pays, ils devaient soit se soumettre au rythme des canons de guerre ou soit définitivement se taire ou choisir entre la mort et l’exil à vie tandis qu’eux restaient à la tête du pays pour se servir vilement et ce au détriment de la collectivité, et encore une fois, de l’intégrité territoriale dans laquelle ils ne se reconnaissent pas toujours. Tel un fatras organisé, la confusion des pouvoirs au zénith et le manque d’orthodoxie financière publique conduira à de nombreuses reprises la faillite d’un pays riche de ses potentialités humaines et naturelles.

   Tel est résumé en quelques lignes l’immense défi sociologique et politique auquel doit faire face une nouvelle génération de Congolais appelée à rompre avec le terrorisme politique longtemps mené de père en fils par une même oligarchie (prétendue élite) politique congolaise communiste, afin de concéder au pays un avenir distinct et fondé sur l’équité, le respect des règles de jeu démocratiques, le libéralisme rationnel, le développement intégral et le progrès social et technologique. Le refus de la gauche marxiste-léniniste, autoritaire, violent et attardé doit être l’objectif principal de cette nouvelle génération de congolais capable de prétendre à plus et de faire mieux. Nous l’invitons à assumer son destin.

   Enfin, last but not least, le 15 mars 1992, le peuple congolais adoptait par référendum une nouvelle Constitution. Son préambule fait un succinct résumé du passé politique récent du pays en ces termes:

   «L’unité, le travail, le progrès, la justice, la dignité, la liberté, la paix, la prospérité et l’amour de la patrie ont été depuis l’indépendance, notamment sous le monopartisme, hypothéqués ou retardés par le totalitarisme, la confusion des pouvoirs, le népotisme, l’ethnocentrisme, le régionalisme, les inégalités sociales et les violations des libertés fondamentales.

   L’intolérance et la violence politiques ont fortement endeuillé le pays, entretenu et accru la haine et les divisions entre les différentes communautés qui constituent la Nation congolaise.

   Le coup d’État s’est inscrit dans l’histoire politique du Congo comme seul moyen d’accéder au pouvoir et a annihilé l’espoir d’une vie véritablement démocratique.»

   Les principes fondamentaux énoncés par cette Constitution seront bafouillés quelques années seulement après en 1997 au lendemain d’un sanglant (plus de 100.000 morts) coup d’État qui ramènera au pouvoir les mêmes sectaires dont il est question plus haut, c’est-à-dire l’ancien régime dictatorial et communiste dirigé par le Parti congolais du travail (en sigle P.C.T.). Depuis, le pays est «dirigé» … d’une main de fer comme jadis entre 1968 et 1992. Soit vingt-quatre ans de gâchis et de destruction massive des mœurs démocratiques annihilant au passage «l’espoir d’une vie véritablement démocratique» pourtant reconquise en 1992.

   Ensuite, malgré le fait que le Préambule de la Loi fondamentale congolaise de 1992 donnait à tout citoyen «le droit et l’obligation […] de résister par la désobéissance civile à défaut d’autre recours, à quiconque entreprendrait de renverser le régime constitutionnel, de prendre le pouvoir par un coup d’État ou de l’exercer de manière tyrannique»; apeuré, le Congolais est demeuré passif depuis lors face à un nouveau, vieux, ancien, satané régime par ailleurs excité et déterminé à durer, brisant à volonté, telle une restauration chinoise à volonté, le citoyen congolais dont l’héritage culturel Bantu le condamne à résister face à l’oppression délibérée d’un camp sans pitié et méconnaissant les valeurs Bantus.

   Pour conclure; dans les conditions où deux cultures sont totalement opposées entre elles dans leurs manières de concevoir le pouvoir politique, le Congo-Brazzaville est destiné à l’avenir à changer nécessairement de régime politique, optant pour un système parlementaire «congolisé» avec quelques références au modèle allemand, d’une part, et d’autre part en ce qui concerne la forme de l’État, il doit passer obligatoirement de l’État unitaire centralisé «concentré» actuellement en présence à un État fédéral totalement décentralisé et déconcentré. Sans quoi, aucun avenir en commun dans les formes actuelles, n’est possible entre congolais des deux bords.

   Persister à croire, que l’unité nationale pourra ressurgir à la chute de l’actuel régime, est une tentative intellectuelle mensongère mettant en péril l’intégrité physique d’une partie de la population congolaise quelque part «victime» d’un régime politique qui ne leur offre aucune perspective meilleure en dépit de quelques avantages mineurs et hétéroclites çà et là.

   De plus, la division de la République du Congo en deux États telle que prônée par certains et telle qu’observée dans les faits par la manière dont le pays est « dirigé » représente un autre dangereux sentier qui coûtera beaucoup pour ce qui est des vies humaines innocentes. Ainsi, pour éviter d’en arriver là, il faudra que ceux qui dirigent actuellement ce pays prennent conscience du désastre dans lequel ils plongent non seulement «l’avenir» d’une certaine entité culturelle, mais celle de l’union des communautés congolaises vivant paisiblement dans un pays à reconstr uire sans doute au lendemain de ces longues années de terreurs et de brigandages politiques ensauvagés (pour reprendre une expression chère au Président français Emmanuel Macron) à la solde de la gauche et des communistes réunis au sein du Parti congolais du travail (en sigle P.C.T.). Dommage que la mort du communisme au Congo-Brazzaville n’est pas prévu pour si tôt. Mais l’espoir c’est vivre et vivre c’est espérer.

Christopher Jivot BITOULOULOU-JULIENNE NTSOULI NGAMBIO

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