Réforme des partis politiques en Afrique Subsaharienne. 1er Partie

On ne change jamais l’ADN d’un peuple, d’une classe politique ; mais on peut le transformer, le faire évoluer. En effet, l’absence d’idéologie politique ou philosophique précise et le caractère pléthorique des formations politiques en Afrique subsaharienne représente pour d’aucuns une gangrène de plus au mal politique qui prévaudrait déjà dans le continent, et pour d’autres un progrès politique voire démocratique. Qu’en est-il réellement?


   La réforme des partis politiques en Afrique subsaharienne est plus que jamais une nécessité. Seulement, sous quels types de régimes politiques?

   Le gouvernement du Président Patrice Talon au Bénin a initié en cette année 2019 une réforme des partis politiques qui a eu comme résultat l’exclusion volontaire de la plupart des regroupements politiques du jeu électoral. En effet, la loi sur les partis politiques visait en premier lieu la réduction du nombre de partis politiques dans le pays (lesquels formations politiques sont devenues au fil des ans un véritable fonds de commerce pour beaucoup de leaders), et ce afin de les regrouper dans des plus vastes structures mieux coordonnées et pouvant prétendre à un plus grand nombre de représentants dans les institutions politiques. Or, certains leaders politiques ont fait le choix d’ignorer complètement l’existence de la loi et de jouer le jeu de la politique politicienne tout en manipulant l’opinion nationale et internationale. Deuxièmement, ladite réforme aura sans doute comme résultat de fixer chaque formation politique dans un courant idéologique précis. Enfin, l’administration Talon en ce qui concerne ses ambitions politiques peut tout naturellement faire de cette réforme comme le dit si bien une expression: «une pierre, deux coups». Mais ne nous attardons pas dessus, cela est ancré dans l’ADN de tous les hommes politiques à travers le monde. Les réformes politiques cachent toujours un agenda secret. Ainsi, seule une société civile aguerrie peut faire valoir l’intérêt supérieur de la nation aux dessus des intérêts partisans des uns et des autres.

   En république de Côte-d’Ivoire le Président Ouattara a vivement souhaité que les partis politiques présents dans le pays intègrent une dimension idéologique précise et qu’ils puissent en conséquence s’identifier comme tels. Ainsi, un parti de gauche, social et libéral sera-t-il différent de celui qui se revendiquerait être de droite ou conservateur. C’est justement dans ce sens que ce dernier a créé tout récemment une grande formation politique dénommée Le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (abrégé en RHDP), parti politique classé à droite.

   Ce travail d’idéologisation des courants politiques en Afrique n’est pas vraiment récent, toutefois, il sied de rappeler que pour la plupart des hommes politiques africains être de gauche ou de droite n’est pas vraiment une position politique qui l’empêcherait de collaborer avec les tenants politiques des régimes en place, fussent-ils autoritaires ou démocratiques. L’important c’est d’avoir un poste institutionnel.

   Ce phénomène n’est pas non plus nouveau et unique au continent. On peut noter par exemple, avec l’élection en 2017 à la magistrature suprême du Président Emmanuel Macron en France comment de nombreux leaders politiques d’idéologies de droite (comme Bruno Lemaire), du centre (Bayrou) ou écologique (François de Rugy) ont accepté des postes ministériels au sein de l’administration Macron classée idéologiquement social-libéral, réformiste, etc.

   Seulement, l’Afrique subsaharienne est littéralement remplie de partis politiques au pouvoir d’idéologie socialiste ou communiste qui au fil des ans ont non seulement perdus leurs identités idéologiques, mais ont surtout édulcorés leurs combats d’hier (lutte contre l’impérialisme pour les uns, neutralisme politique pour les autres inspirés par la conférence de Bandoeng d’avril 1955). Ces formations politiques sont devenues pour la plupart d’entre elles des regroupements attrapetout qui vacillent entre traditionalisme atypique et « socialisme bourgeois ». Bref, des partis politiques sans réelles convictions idéologiques, couronnés d’une envie illimitée du pouvoir politique à tout prix, leurs permettant de déconstruire les sociétés africaines et d’appauvrir leurs peuples.

   Quelques soient les régimes politiques en place, la réduction du nombre des formations politiques dans le jeu politique Afrique subsaharienne peut avoir deux impacts majeurs dans les processus de démocratisation. Premièrement, cela pourrait renforcer le parti politique au pouvoir qui rassemblerait autour de lui toutes les structures politiques qui s’accommodent plus ou moins de ses pratiques autoritaires ou liberticides, affaiblissant par-là les balbutiements démocratiques du pays. Deuxièmement, cela permettrait aux formations politiques d’opposition, qui luttent pour une culture démocratique du jeu politique dans le pays, de s’étendre en se renforçant par la base (l’électorat) et partant de se crédibiliser vis-à-vis d’une population laissée-pour-compte et qui n’attends qu’un signal pour voter massivement contre tous les acteurs politiques vaccinés contre la démocratie. En république du Congo, un grand parti politique d’opposition (l’UDH-YUKI du leader politique Guy Brice Parfait KOLÉLAS) semble avoir compris le jeu, et il ne serait pas étonnant que celui-ci prenne les règnes du pouvoir dès 2021 comme cela a été le cas au Congo d’en face (la République démocratique du Congo) avec l’UDPS.

 

Christopher J. Bitouloulou-Julienne N’tsuli Ngambio

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