Réforme des partis politiques en Afrique Subsaharienne. 2ème Partie

La réforme des partis politiques en Afrique noire est un grand chantier qui permettra de cimenter de plus belle la démocratie sur le continent. Seulement, face à une fréquente instabilité institutionnelle, une telle réforme aura du mal à réellement s’enraciner si elle n’est pas préalablement précédée par un « big one » démocratique qui mettrait à plat les systèmes politiques présents actuellement sur le continent et par ailleurs pas toujours réellement en faveur d’une liberté politique, afin d’instaurer plutôt des régimes politiques plus aptes à concéder au pays des avancées démocratiques majeures.


   La crise de la représentativité politique en Afrique noire et les tentatives pour y remédier ont plongé depuis le début du pluralisme politique dans les années 1990 et la fin de l’hégémonie des partis uniques, presque quasiment tous les États d’Afrique Subsaharienne dans un capharnaüm politique sans précédent. L’Afrique passera en moins d’un demi-siècle au règne des autocraties à celui des partitocraties.

   Le parti au pouvoir, pour mieux gérer son actif électoral et ce dans le but d’assoir son influence, tend à favoriser la création de nombreux petits mouvements politiques disparates afin de favoriser plus tard un rassemblement présidentiel qui ensuite les englouti tous pour donner naissance à un nouveau et unique parti politique. Ces partis satellites qui parfois sont sans réelle légitimité et sans base électorale offrent à d’autres leaders ou supposées personnalités politiques une raison, un modèle sur lequel se construire un avenir politique. Puis, comme on peut aisément le constater dans de nombreux pays d’Afrique noire, la multiplication de ces petits partis politiques trouve en ces calculs politiciens une raison d’être. Le parti au pouvoir n’ayant plus de « légitimer morale » pour prêcher le bon exemple, le pays sombre dans une avalanche sismique qui voit naitre çà et là associations politiques de tous bords, sans réelle idéologie politique et trop souvent fantaisistes, et enfin largement sans ancrage dans les territoires. 

   Cette tentative d’explication de la formation des partis politiques en Afrique peut laisser aisément sous-entendre la complexité à laquelle peut se confronter tout nouveau dirigeant politique dans sa tentative de réformer de fond en comble la partitocratie en place depuis des lustres. Ce courage politique rare, a pu être constaté au Bénin où l’on a vu un homme d’état (Patrice Talon, en 2019) déterminé à rompre avec les vieilles habitudes du passé afin de mettre son pays sur les rails de la démocratie réellement participative où chaque électeur convaincu peut délibérément faire le choix sur une liste exhaustive de formations politiques plus compacts et mieux organisées sur le chemin de la conquête du pouvoir.

   La seule volonté politique des régimes démocratiques en place ne suffit pas pour redresser le système des partis politiques longtemps ancré dans une culture faite d’arrangement et de corruption politique. Dans des systèmes politiques plus ou moins démocratiques, l’électorat à l’obligation de s’approprier le processus électoral afin de sanctionner le moment venu tout leader politique qui s’accommoderait aux vielles pratiques antidémocratiques d’hier. Même au sein des régimes autocratiques tel qu’en République du Congo, l’électeur peut déjouer les calculs politiciens illégitimes, car souvent orchestrés par le pouvoir pour s’emparer de tel ou tel autre bastion de l’opposition où la légitimité politique est difficilement susceptible d’être remise en cause. Tel a été par exemple le cas en 2017 lors des législatives où l’on a vu les formations politiques de la majorité présidentielle en difficulté dans les fiefs traditionnellement opposés au régime, mais où 5 ans auparavant la même majorité présidentielle avait réussi son coup.

   Donc, la réforme des formation politique en Afrique Subsaharienne est un long processus qui passera nécessairement par l’établissement en premier des régimes démocratiques. Car, en cherchant à calquer systématiquement sans préalable le modèle occidental sur le chantier du processus de démocratisation sur le continent, il est fort probable que cela n’aboutisse pas à grand-chose, si ce n’est un semblant de démocratisation qui sur le fond n’engendrera que peines et désarrois pour l’avenir.

   Mais, l’instabilité et la crédibilité des institutions politiques font souvent trop obstacle à cette évolution car, les partis politiques traditionnels sont pour la plupart d’entre eux hostiles à tout changement allant dans le sens de restreindre ou de conditionner la création des partis politiques à l’obtention d’un certain quorum, en termes d’élus au sein des institutions électives de premier rang telle que la Chambre des représentants.

   La volonté politique du système au pouvoir sert donc de beaucoup dans ce cheminement.

   Inversement, il est peu probable que l’on arrive à instaurer en Afrique noire un cadre logique qui promouvrait d’une part les partis politiques très représentatifs et d’autre part sanctionnerait voire dissoudrait systématiquement les formations politiques moindrement représentées à l’intérieurs du parlement. Ensuite, les élus appartenant aux autres formations dissoutes auront ainsi l’obligation d’intégrer d’autres partis politiques présents au parlement sous peine de perdre leurs mandats. Une telle disposition législative n’est probablement pas nouvelle et il est fort probable que certaines démocraties (Italie etc.) l’aient adopté sous des formes plus ou moins identiques.

   En conclusion, on ne le dira jamais assez, pour arriver à une réforme juste des formations politiques en Afrique Subsaharienne, il est de loin préférable que les intellectuels et les politiques centrent l’essentiel de leurs efforts dans l’avènement au pouvoir de régimes politiques réellement démocratiques et susceptibles de favoriser ce changement politique tant nécessaire à la stabilité des institutions en Afrique noire.

Christopher Jivot Bitouloulou-Julienne Ntsuli Ngambio

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *