L’une des plus vieilles démocraties au monde s’apprête à faire le choix entre deux hommes et deux visions politiques diamétralement opposées de la société colombienne. La lutte du pouvoir dans cette autre partie du monde occidental a été de tout temps mouvementée. Néanmoins, pour la première fois dans l’histoire du pays, la future Vice-Présidente de la république de la Colombie sera une Femme, les deux candidats opposés au deuxième tour ayant chacun pour colistier une femme. Enfin, cet article entend offrir aux lecteurs les clés ou les bases d’une analyse politique d’un pays situé au cœur des enjeux géostratégiques et géopolitique en Amérique du sud.
Entre un Président de la république contrôlé par le parlement et un Président de la république contrôlant le parlement : tel est le choix que les colombiens s’apprêtent à faire ce dimanche 17 juin 2018.
Comme aux Etats-Unis d’Amérique, la Colombie a connu depuis son indépendance en 1810 (reconnue internationalement en 1819) de l’Espagne, deux grands partis politiques traditionnels (le parti Libéral et le parti Conservateur) qui jusqu’en 2001 ont dominé directement la vie politique du pays.
Avec l’élection à la tête du pays en 2002 de Álvaro Uribe Vélez (pro américain), transfuge du parti Libéral, qui se présente en indépendant et soutenu par la coalition Primero Colombia (D’abord la Colombie 2001-2010), le jeu politique colombien connaitra une transformation radicale avec la chute brutale des partis traditionnels. Cependant, en réalité la coalition Primero Colombia n’est tout simplement qu’un front national à l’intérieur duquel on retrouve de nombreux déserteur libéraux et conservateurs. Pour assoir son pouvoir à l’intérieur du nouveau parti politique, l’ancien Gouverneur du Département d’Antioquia (1995-1997) (dont la capitale est Médellin et ancien fief de l’ancien narcotrafiquant Pablo Escobar) Álvaro Uribe a su savamment instauré une forme d’autoritarisme dans le pays qui lui a permis de gouverner paisiblement pendant 8 ans sans avoir en face une réelle opposition. Avec le durcissement voire la droitisation de sa politique dans le pays et notamment avec la guerre qu’il mène contre les mouvements paramilitaires tels le ELN, les FARC (aujourd’hui constitué en parti politique grâce au traité signé le 26 septembre 2016 sous le mandat de Juan Manuel Santos – 2014-2018), Álvaro Uribe assoit son leadership dans le pays. Désormais il devient un faiseur de Roi et il s’imagine gouverner le pays pendant de longues années. Seulement, il trouvera sur son chemin le pouvoir judiciaire (la cour constitutionnelle) qui le 26 février 2010 invalidera la loi qui visait à organiser dans le pays un referendum qui l’aurait permis d’obtenir sans faute un troisième mandat à la tête du pays (en 2010 plus de 70% de l’opinion nationale était en faveur de la politique uribiste). C’est ainsi que Juan Manuel Santos (ancien Ministre de la défense de 2006 à 2009 et secrétaire général du Parti au pouvoir – el partido de la U crée en 2010) fut désigné par défaut candidat uribiste à la présidentielle de 2010. Élu Président de la république de la Colombie en 2010 avec 69,13%, le nouveau président de la république tentera de s’éloigner progressivement de l’aile droite de son parti et il essaiera d’isoler politiquement l’ex Président de la république encore très populaire dans le pays. Tandis qu’il opte pour une résolution pacifique du conflit militaire qui oppose l’Etat colombien aux paramilitaires (FARC, ELN etc.), les uribistes font défection et créent en 2013 un autre parti politique situé idéologiquement à droite (el Centro democratico). Désarmé au Parlement, Juan Manuel Santos dut s’allié aux Libéraux (son ancien parti politique) pour gouverner et plus tard être réélu à la tête du pays avec 50,95% des voix après un deuxième tour de la présidentielle très compétitive qui l’opposait à Oscar Iván Zuluaga candidat du Parti uribiste (el Centro democratico) qui était pourtant en tête des sondages et s’était placé en tête du premier tour de la présidentielle de 2014 avec 29,25%, contre 25,69% en faveur de Juan Manuel Santos affecté indirectement par le scandale Odebrecht (du nom de l’entreprise de construction brésilienne qui est soupçonné par le département de la justice des Etats-Unis d’avoir versé des pots-vins aux dirigeants politiques de plus d’une vingtaine pays pour afin d’obtenir l’attribution de marchés publics de construction).
Cela dit, l’ombre d’Álvaro Uribe continue de planer dans l’espace politique colombien depuis 2002, et ce dernier entend revenir aux Affaires politiques du pays par l’entremise du candidat uribiste Iván Dunque arrivé en tête du premier tour de l’élection présidentielle avec 39,34% des voix, contre celui que l’on taxe de populiste et ancien membre du mouvement paramilitaire Movimiento 19 de abril (1970-1990) Gustavo Petro (Maire de Bogotà de 2012-2015), arrivé deuxième avec 25,08% des voix. Le candidat de la coalition au pouvoir et ancien vice-président de la Colombie (1994-1996) et ancien Chef de la mission de négociation du processus de paix entre l’Etat colombien et les FARC (2012-2016), Humberto de la Calle est arrivé cinquième avec 2, 05%. Sergio Fajardo, candidat des verts et du centre qui est arrivé troisième avec 23,78% est l’homme sur qui repose tous les calculs politiques actuels.
En réalité, les deux lignes politiques qui s’opposent ce dimanche 17 juin 2018 sont d’une part celle des partisans d’une vision progressiste, écologique et étatique pro socialiste de la société (Gustavo Petro) et d’autre part celle des partisans d’une idée conservatrice, catholique et républicaine (Iván Duque) d’une société colombienne totalement polarisée sur les thèmes portant sur la propriété, la justice et la paix, la sécurité et la lutte contre les narcotrafiquants, le bienêtre social et l’égalité entre les classes sociales. Par ailleurs, si le Centre démocratique représenté par Iván Duque promet de « dés-amistié » constitutionnellement le délit de narcotrafiquant et partant de retoucher l’accord de paix signé en 2016 entre l’Etat Colombien et les FARC afin de traduire en justice quelques membres du mouvement paramilitaire désormais converti en parti politique ; Gustavo Petro qui est également taxé de castrochaviste (Raúl Castro et Hugo Chavez) promet de lutter âprement contre la corruption et de mettre fin au monopole que certaines entreprises du secteur privé ont sur les biens publics et ainsi ouvrir la voie à l’étatisation d’un important pan du service public longtemps acquis et au main du secteur privé (comme la collecte des déchets ménagers par exemple). En revanche, il est souvent reproché aux uribistes de vouloir fomenter dans le pays une réforme constitutionnelle en vu de cantonner le pouvoir judiciaire qui depuis 2010 a ouvert de nombreux procès et nombreuses informations judiciaires contre les uribistes et contre l’ex Présidente de la république Álvaro Uribe qui affirme cependant être l’objet d’une attaque politique contre sa personne et ses proches.
En conclusion, les colombiens feront aujourd’hui un choix entre un futur Président de la république fort (Iván Duque) et un futur Président de la république contrôlé par les mécanismes institutionnels capables de limiter son pouvoir (les pouvoirs législatif et judiciaire). En revanche, peu important les résultats de ce soir, les colombiens éliront pour la première fois dans l’histoire du pays une Vice-Présidente de la république (Ángela Robledo colistier du candidat Petro ou Marta Lucía Ramírez colistier du candidat Duque).
You may also like
-
L’Onu vota compatto la fine dell’embargo degli Usa contro Cuba. La fine si avvererà stavolta?
-
Il Messico come terra di mezzo nel narcotraffico internazionale
-
Haïti: Trois siècles de dérèglement politique et institutionnel sismique…
-
Conflicto armado en Colombia: 60 años de sangre y olvido (Parte 2°)
-
Conflicto armado en Colombia: 60 años de sangre y olvido (Parte 1°)