En démocratie, par principe, les conflits politiques se règlent par le dialogue, par consensus et voire par voie électorale. Pour ce faire, seuls les États dotés d’institutions politiques fortes peuvent résister à la perverse tentation du pouvoir. Partant, quelles qu’eussent été les raisons profondes des désaccords politiques qui opposèrent ou qui continuent de diviser les différents acteurs politiques et de la société civile haïtiens; en démocratie, rien, absolument rien ne peut justifier le lâche et odieux assassinat d’un Chef d’État en fonction ou à la retraite. Il en va de même pour les candidats à la Présidence de la République comme on peut le constater en Afrique ou bien hier en Amérique latine par exemple.
Au mois de Mars 2021, le principal candidat à l’élection présidentielle en République du Congo, le libéral, ex-Ministre de la République et honorable Député Dr. Guy Brice Parfait KOLÉLAS (ad imperitura memoria) et Président fondateur du principal parti politique de l’opposition du pays l’UDH-YUKI (L’Union des Démocrates Humanistes – YUKI) décède dans des conditions troubles et douteuses le jour même du premier tour de l’élection présidentielle qu’il remporta haut la main. Cependant, la fébrilité des institutions politiques congolaises, par ailleurs prises en otage par un système inique, injuste et dictatorial incarné par le Parti congolais du travail (PCT), jouera hélas en faveur de ce même régime communiste et autoritaire en place, imposant un énième coup d’état électoral et un mandat présidentiel de la honte, sans légitimité aucune et sans légalité constitutionnelle ; accordant une fois de trop un fou sursis aux dirigeants politiques d’un autre siècle, pilleurs infatigables des deniers publics, assassins du peuple et promoteurs de la haine tribale, de l’apartheid ethnique, territorial et social et enfin artisans majeurs de la désarticulation lente et progressive du pays et de la nation congolaise toute entière. Ces gens de peu de valeur et d’éthique politique croient avoir le monopole du temps et des évènements imprévus. L’avenir leur prouvera volontiers le contraire.
Avant d’analyser le cas de la République d’Haïti, il est important de rappeler ici qu’en dépit des graves circonstances naturelles, politiques et géopolitiques, le peuple haïtien et en particulier le système politique haïtien a réussi tant bien que mal depuis maintenant environ 30 ans à juguler les conflits sociaux et politiques internes par le dialogue, le consensus et la voie électorale (1). Donc, il serait déplacé et totalement insensé d’appréhender la crise politique en présence dans le pays, suite entre autres à l’assassinat le 07 Juillet 2021 du 58ème Président de la République d’Haïti, Jovenel MOÏSE (ad imperitura memoria), sous le prisme d’États bananiers d’ailleurs ou d’Afrique (essentiellement francophones) comme c’est le cas du Congo-Brazzaville, un État voyou, sans repères ni perspectives et sous la gouvernance d’un des pires régimes politiques ayant existé dans l’histoire contemporaine de ce pays d’Afrique centrale.
Donc, Haïti ne serait être comparé à ces États dictatoriaux d’Afrique où la démocratie, les libertés collectives et individuelles, la notion d’État de droit et biens d’autres principes moraux, éthiques et juridiques sont en permanence, H24, bafoués sans raison et sans limite comme c’est le cas au Congo-Brazzaville, État dictatorial dirigé par le régime communiste le plus bête au monde, grand promoteur et champion de l’apartheid ethnique et de la haine tribale dans le pays depuis près d’un demi-siècle.
Partant, la révolution française de 1789 inspira à la fin du 18ème siècle et au début du 19ème siècle toutes les grandes révolutions populaires qui secouèrent particulièrement le continent américain. Ainsi, de grandes figures révolutionnaires comme Simon Bolivar, Jean-Jacques Dessalines et bien d’autres, libérèrent avec bravoure leurs peuples et leurs États respectifs du joug colonial.
Cela dit, il leur a fallu, d’une part, déconstruire un passé fait de violence, d’humiliations et de privations de tout genre. Et d’autre part, de construire dans l’ordre et le respect de l’essence humaine des États et des nations constitués d’ensembles, mieux, de mélanges de civilisations et de cultures, cependant condamnés à cohabiter et à survivre dans des espaces territoriaux à apprivoiser.
En partant de rien ou presque, comme partout en Amérique, en Haïti la construction de la nouvelle nation est fortement obstaclée par plusieurs protagonistes externes et ce en vue d’éviter d’ériger ce peuple de génie en modèle de conquête civilisationnelle pour l’Afrique et les autres nations oppressées par le joug colonial encore en place « à l’époque ». L’échec, le reculement d’Haïti devint alors un objectif à atteindre de siècle en siècle.
Toutefois, après trois siècles de libération et d’autonomie, la classe politique haïtienne a à vrai dire échoué à ériger au rang de sacro-saint les institutions politiques et militaires du pays. Plus de deux tiers environ des 58 Présidents de la République d’Haïti ont gouverné ce pays durant moins d’un an en trois siècles d’autonomie politique. Le niveau des désaccords politiques permanents sans réelle préoccupation des populations, ni du prestige du pays et de son rang dans le monde n’a su vraisemblablement préoccuper les gouvernants de ce pays considéré comme le plus pauvre d’Amérique.
Tandis que par exemple en Colombie l’on constate une tradition politique qui consiste à préserver les institutions politiques et militaires face aux conflits socio-politiques ayant fortement marqué l’histoire politique et constitutionnelle de ce pays d’Amérique, en Haïti les acteurs majeurs de la vie politique du pays ont plutôt fait le choix de servir en premier leurs intérêts égoïstes laissant à l’abandon le pays dans les mains d’une autre classe de rapaces qui à toutes les strates de la société ont transformé cet État en un «no man’s land».
Haïti et les haïtiens méritent mieux. Ce pays qui a tant souffert de son passé et de sa classe politique doit pouvoir renaitre de ses cendres pour offrir à une nouvelle génération un État qui met l’accent avant tout sur le droit et l’ordre, et partant sur l’indéracinabilité des institutions démocratiques et militaires du pays. Les leaders politiques doivent apprendre à faire bloc lorsque l’intérêt supérieur de la nation est menacé.
Enfin, c’est uniquement en mettant de côté les divergences politiques que la nation haïtienne peut être sauvée du naufrage sociétal dans lequel elle est lourdement plongé depuis plusieurs années. Haïti est une des brillantes démocraties noires dans le monde et tout doit être fait pour que les choses demeurent ainsi, mais surtout pour qu’aucun haïtien n’ait à rougir d’être originaire de cette nation parmi les plus illustres au monde pour avoir courageusement mis fin à des siècles de privations et d’esclavage.
Christopher Jivot BITOULOULOU-JULIENNE NTSOULI NGAMBIO
1.BITOULOULOU Christopher Jivot, « Democratic evolution in the Democratic Republic of Congo in the light of the Haitian Constitution of 1987» in Democratization’s trajectory through change and continuity in Sub-Saharan Africa, Issau Agostinho (dir.), Ana Magdalena Figueroa, Mark Amaliya Anyorikeya, Christopher Jivot Bitouloulou, Chibueze Ofobuike, Edizioni Nuova Cultura, Roma, 2017, pp. 45-55.
You may also like
-
L’Onu vota compatto la fine dell’embargo degli Usa contro Cuba. La fine si avvererà stavolta?
-
Il Messico come terra di mezzo nel narcotraffico internazionale
-
Conflicto armado en Colombia: 60 años de sangre y olvido (Parte 2°)
-
Conflicto armado en Colombia: 60 años de sangre y olvido (Parte 1°)
-
Juscelino Kubitschek and Brazil: from immense Hospital into a symbol of modernity