Le processus historique visant la définition du principe de laïcité en France et en Italie: motivations à la base des différences d’approche et réflexions critiques.

L’Italie et la France ont élaboré deux visions tout à fait singulières du principe de laïcité d’où, malgré leur diversité dans un premier abord, plusieurs éléments significatifs et intéressants émergent en vue d’une possible construction plus uniforme au niveau européen du principe de laïcité.


   Une vision celle-ci, qui puisse être aussi respectueuse que possible de la neutralité de l’Etat et, en même temps, de la liberté d’expression individuelle. En ce qui concerne l’analyse comparative, il est nécessaire, dans un premier temps, de constater dans quelles mesures les différences entre les deux approches étatiques à ce sujet sont nombreuses.

   La France, contrairement à l’Italie, a réservé une position fondamentale au principe de laïcité. L’art.1 de la Constitution de l’année 1958, de fait, en reprenant ce qui était déjà exprimé dans l’article correspondant de la Constitution 1946, a affirmé que la France est “une République indivisible, démocratique, laïque et sociale”. Par ailleurs, le mot laïque est également rappelé par l’article 13 du texteequel définit l’obligation vis-à-vis de l’état d’ “organiser un enseignement public, gratuit et laïque”. De son coté, au contraire, l’Italie n’a pas accordé le même traitement au principe de laïcité. L’art.1, de fait, a préféré réserver une place privilégiée au travail plutôt qu’à la laïcité, en le reconnaissant en tant qu’élément porteur de la République. A propos de la concrète validité de cet article les critiques ne manques surtout pas et loin de nous la volonté d’en ajouter une autre à la liste. Ce qui ous intéresse est plutôt de constater comment, le fait que la France ait reconnu une position primaire, du moins au niveau textuel, au principe de laïcité, lui a permis de renforcer la séparation entre l’Eglise et l’Etat/Eglise grâce à laquelle l’Etat est devenu un sujet pas du tout rangé religieusement parlant. L’Italie, au contraire, sous cet angle, présente plusieurs ambigüités qui font douter qu’il s’agit effectivement d’un pays laïque. En outre, si l’on prend en considération le fait que l’Etat ait décidé de constitutionnaliser, dans l’art.7, les pactes signés avec le Vatican[1], les perplexités sur le sujet augmentent. Le principe de laïcité pour l’Italie, d’ailleurs, plutôt qu’avoir un rappel clair dans le texte constitutionnel n’a connu pour l’instant qu’une reconnaissance juridique. Lors de cette décision en effet, le juge a défini les éléments déterminant la « laicità all’italiana [2]»  en affirmant que notre pays envisage une laïcité active en faveur du sentiment religieux et que celle-ci trouve son fondement dans certains paramètres constitutionnels.

   Par cela, nous ne souhaitons pas dire que la France soit dépourvue de points sensibles. L’un d’entre eux est précisément l’absence d’un solide appareil constitutionnel consacré au principe de liberté religieuse. Le premier article de la Constitution de l’année ’58, auquel nous avons fait référence, et l’article 13, en matière d’enseignement laïque, par exemple, n’exprimeraient pas toute leur portée juridique s’ils n’étaient pas reliés aux textes u bloc de constitutionnalité auquel la déclaration de droits de l’homme, le premier article de la loi 1905 e la loi 1901 sur la liberté d’association appartiennent. En outre, il faudrait également souligner le manque dans le texte constitutionnel d’un réel apparat de protection de la liberté de culte, élément qui devrait être remis en question. En effet, le principe de liberté de conscience religieuse et, par conséquent, de culte n’est pas indiqué d’une façon claire et exhaustive. La Constitution de ’58, ainsi que celle de ’46, n’utilisent que l’expression “respecte toutes les croyances » qui, comme susdit, semble être plutôt maigre et finit, dans certains cas, par légitimer des textes législatifs comme les lois des années 2004 et 2010 en matière de signes religieux qui limitent le principe de liberté d’expression religieuse et des cultes dans l’espace public. L’Italie, au contraire, reconnaît au principe mentionné une position fondamentale, quasi  porteuse de tout l’appareil constitutionnel. Nous faisons référence, par cela, aux articles suivants: art.2: «la République reconnait et garantit les droits inviolables des hommes et en tant qu’individus et dans les formations sociales où sa personnalité s’épanouit», art.8: «les confessions religieuses sont toutes libres de la même manière devant la loi», art.20: «Le caractère ecclésiastique et le but religieux d’une association ou d’une institution ne peuvent pas causer de limitations législatives particulières».

   Malgré toutes les différences observées, nous pouvons également mettre en évidence des similitudes d’application. Pour les deux pays, de fait, il existe une difficulté évidente à définir ce qu’est la laïcité et lui donner une effective application sans pour autant soit, d’un côté,  en imposer une vision unique, soit, de l’autre,  imposer une laïcité à tout prix qui semble vouloir réduire les différences à dépit des singularités. En outre, les deux pays présentent des contradictions entre la théorie et la praxis politique concernant le principe de laïcité: d’une part, l’Italie déclare la séparation de l’Etat et de l’Eglise tout en continuant de légitimer la présence du crucifix dans les salles scolaires et cela sans pour autant remettre en question la constitutionnalisation des accords; de l’autre, la France affirme respecter toutes les croyances mais elle justifie les loi de 2004 et 2010.

Mariangela Rosato


[1] Il s’agit des «Patti Lateranensi» signés en 1921 pendant le régime de Mussolini et modifiés, en partie, lors du gouvernement de Craxi en 1982.

[2] Cette expression est très utilisée par la doctrine italienne pour indiquer les particularités de la laïcité en Italie.

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