Les anciens chefs d’État et leurs statuts en Afrique: entre déclassement et survie politique et sociale

À l’instar des Constitutions africaines, le statut des anciens chefs d’État africains semble être le fruit de ramassis de formules empruntées ici et là à travers le globe sans un travail préalable d’exégèse des textes, des cultures et traditions, des Institutions Politiques Précoloniales Africaines entre autres matières. Cela dit, les techniciens, ingénieurs et architectes des constitutions africaines prennent souvent peu de temps pour analyser, anticiper l’impact politique de certaines de leurs ovnis africainement antagonistes.


   Si le statut de chef d’État en Afrique est l’un des plus convoités sur le continent, il n’en reste pas moins qu’après les bons et loyaux services rendus à la nation, peu sont ceux qui désirent réellement prendre leur retraite et occuper le fauteuil socialement doré d’ancien chef d’État.

   En réalité, dans les traditions précoloniales africaines, le Chef est sacré, sollicité et jusqu’à sa mort terrestre, il demeure le guide, l’arbitre, le repère et le protecteur des traditions et coutumes de la Cité. Partant, on ne pouvait parler d’ancien chef qu’à la mort de celui-ci. Ainsi, sauf exception, il n’existait pas dans les traditions communes des Institutions Politiques Africaines de statut d’ancien chef politique. Néanmoins, puisque le Chef était sensé pérenniser son règne sur la cité ; pour la cohésion de son peuple et l’essor de l’État, il était censé ne pas abuser de ses pouvoirs. À défaut il en était banni et de ce fait, il perdait son statut de Chef sans jamais, sinon rarement, acquérir politiquement et socialement le statut d’ancien Chef, car il ne pouvait y avoir deux Chefs dans le même État, Cité, Village, Territoire, Empire, Royaume, Pays, etc.

   Avec la colonisation et les indépendances, la culture politique en présence sur le continent a connu une mutation accélérée et ses institutions politiques une transformation fondamentalement à l’occidentale. Puis, quelque part, le comportement socio-politique de ses populations aux origines disparates s’en est trouvé à son tour dilué dans une procédure de transformation sociale presqu’inachevée, créant des sociétés quelques fois sans repères politiques, et perdues dans l’exercice quotidienne des États.

   L’élite politique et intellectuelle africaine quant à elle; entre recherche d’authenticité culturelle et politique, réajustement et adaptation à l’évolution politique mondiale, face à la bipolarisation idéologique (communisme et capitalisme). Bref, face à un monde fortement déliquescent, sans modèle apparent, préférant des régimes forts aux institutions fortes, l’Afrique a emprunté le chemin le plus aisé à l’époque, avec une instauration quasi tout azimut des régimes autoritaires un peu partout en Afrique.

   Il a fallu attendre, la chute du mur de berlin en 1989 et plus exactement courant la dernière décennie du 20ème siècle pour ressentir sur le Continent un vent de respect des droits et libertés individuels, d’égalité politique, de démocratie.

   Seulement, en ce moment-là, les nouveaux dirigeants politiques à la tête des États africains, ont trop vite fait de tourner la page, sans jamais prendre la peine de comprendre, d’analyser, mieux d’examiner le psychisme politico-culturel africain encore pesant et présent sur le continent à propos du pouvoir politique, de son détenteur au plus haut sommet de l’État, mais surtout de celui qui en a été déchu de gré ou de force.

   On ne le dira jamais assez, l’homme africain a besoin de reconnaissance permanente. Surtout s’il a contribué un tant soit peu à l’essor politique, social, économique des sociétés. Il a besoin pour vivre dignement en société d’être respecté et honoré. L’anathème, il le vit mal, très mal. A fortiori un ancien Chef d’État ?

   En effet, il n’est pas question pour les anciens chefs d’État africains de vivre à l’écart de la société même percevant socialement des émoluments et des avantages dus à leurs rangs. Pour ces derniers, un ancien chef d’État, mérite plus. Il doit être sollicité, honoré, invité, respecté, soutenu et à l’abri des poursuites judiciaires non seulement pour lui, mais aussi pour ses proches. Humiliés, nombreux sont ceux qui tentent de retourner au pouvoir avec en tête la revanche politique.

   Partant, un ancien chef d’État en Afrique, n’est pas culturellement et sociétalement parlant comparable à d’autres anciens chefs d’État d’Europe ou d’ailleurs. En calquant les constitutions européennes en Afrique, et surtout en appliquant sur le continent et en particulier aux anciens chefs d’État africains les mêmes statuts appliqués aux anciens chefs d’État européens ou d’ailleurs, cela peut expliquer les raisons qui font que le processus de démocratisation des États africains soit encore au stade médian.

   Somme toute, un statut modèle d’ancien chef d’État en Afrique devrait comprendre entre autres: une immunité judiciaire; une pension indexée sur le salaire des chefs d’État en place; des avantages sociaux pour lui et sa famille; un personnel suffisant; une dotation budgétaire annuelle; deux bureaux de fonctionnement; des sollicitations à représenter au moins cinq fois le pays à l’étranger lors de manifestation non réellement importantes pour le régime en place (comme représenter le pays à des fêtes d’indépendances des États amis et étrangers); un statut de Sénateur à vie ou de membre à vie de la Cour Constitutionnel avec émoluments et avantages sociaux en lien; une interdiction à vie d’activité à l’intérieur d’un quelconque parti politique car l’ancien Chef de l’État se doit d’être au-dessus de la mêlé et garant moral de la continuité de l’État; l’ancien chef d’État doit pouvoir être consulté au moins une fois l’année ou recevoir régulièrement des invitations à participer à des manifestations officielles organisées par l’État et à des rencontres de courtoisie avec le chef d’État en place; il peut être également sollicité à la tête d’une Commission ad hoc sur les réformes de l’État et des Institutions Politiques.

   En République du Congo par exemple, l’UDH-YUKI (leader de la droite, libérale et humaniste) du Docteur et honorable député Guy Brice Parfait KOLÉLAS reste déterminé à préserver la continuité de l’État au travers d’un compromis historique destiné à garantir au pouvoir sortant de Brazzaville un apaisement social et politique au lendemain de l’élection présidentielle de 2021.

Christopher Jivot Bitouloulou-Julienne Ntsouli Ngambio  

 

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